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29 juillet 2010

Valérie ROUZEAU - une voix nouvelle

Mes dernières lectures assidues remontent à mon adolescence. C'était savoureux, comme solitude. Un auteur m'invitait, il se mettait à table, et moi je dévorais.
ça avait une odeur d'embruns. j'aimais bien lire avec l'océan au pied de ses falaises, et moi là haut, nichée dans un coin de rocher.

je flirtais avec le verbe, l'accent, avec l'idée et le récit.
C'était ardu, fallait vouloir, parfois, la "peau" de l'autre. L'autre qui te dit "écoute", quand toi t'entends rien, ou que t'as pas le même langage.
alors fallait apprendre ses dessous. ses dessous de langue. ses entre les lignes.
revenir et relire 3 fois la même page.

Et sortir du bouquin un peu changée, un peu enivrée de cet élixir mystérieux issu de l'alambic qui transforme les lettres en pensées. Un alambic construit dans une matière qui est un alliage de temps et de regard.

ensuite je suis devenue grande et j'ai couru. C'est tout.
j'ai pas lu.
presque plus jamais, ou alors comme on boit un apéritif. Pour un petit bout de loisir de rien qui n'engage à rien. mais l'épousaille à corps perdu du texte et de l'auteur, ça jamais plus.

c'est con la vie.

j'ai écrit des poèmes. et puis Frank aussi. et de fil en textes, et de scène en Uppercut, on finit dans le mail de "Gros Textes". Et Yves nous dit "oui".

Alors le livre va paraître (attention ! pub !). Aux éditions "Gros Textes".
Alors quand un livre paraît, on cherche à le vendre.
Alors on prend son plus beau sourire, ses affiches des Déchargeurs, ses flyers, et puis pour le plaisir, du pti poème maison, plié en huit et serré dans un élastique, le pti poème entre feuille, gribouillage et origami, qu'Anne nous a appris à plier (c'est une maîtresse qu'on aime bien), celui qu'on offrira à ceux qui savent que le cadeau, c'est gratuit, et que mon poème, ben c'est un cadeau pour lui, si toi tu le lis.

LIVRETS_005_

Et alors, ensuite, on court la librairie. On vend son attelage, on propose le show case et la signature et le cahier de Delfine en prime, et avez-vous un coin de vitrine pour mon affiche ? un coin de comptoir pour mon flyer ? un coin de curiosité pour lire un de nos textes, pliés en huit dans l'élastique tout comme la maîtresse Anne nous a appris ?
Avez-vous de la place pour nous ?

Le libraire a cela de tendre et de plein d'espoir qu'il est curieux, et qu'il aime le texte. Après, il reste que, d'auteur, je n'ai que le ramage, et que c'est au plumage qu'on m'attend. Bon. Attendons la publication. D'accord Monsieur, merci d'avoir pris mon affiche. Je reviendrai.
Et puisque j'y suis, je furète au rayon poésie.

Et c'est là qu'elle se trouve, ma trésore cachée. celle qui me prendra et que je prendrai comme les auteurs de mes 15 ans, quand je les laissais, au bord de mes embruns, envahir l'intérieur de moi jusqu'à la sensation diffuse d'être l'autre, celui qui dit, vivre à l'intérieur des pages et n'avoir plus rien d'autre à faire qu'être en tête à tête avec "ça".

Elle se trouve là, elle s'appelle Valérie Rouzeau et je la remercie.

Je retourne dans les livres. C'était bien là-bas. J'avais oublié, je ne sais même pas comment on peut.

PS : cerise sur le gâteau : vous savez quoi, Valérie ROUZEAU, Yves de Gros Textes a publié sa plume il y a un petit paquet d'années. trop d'honneur !
(attention ! pub !)

Valérie ROUZEAU, extraits.


Toi mourant man au téléphone pernoctera pas voir papa.
         

Le train foncé sous la pluie dure pas mourir mon père oh steu plaît tends-moi me dépêche d’arriver.

Pas mouranrir désespérir père infinir lever courir –

Main montre l’heure sommes à Vierzon dehors ça tombe des grêlons.

Nous nous loupons ça je l’ignore passant Vierzon que tu es mort en cet horaire.

Pas mourir steu plaît infinir jusqu’au couloir blanc d’infirmières.

Jusqu’à ton lit comme la loco poursuit vite vers Lyon la Part-Dieu.

Jusqu’à ton front c’est terminé tout le monde dans la petite chambre rien oublier.

 

Valérie Rouzeau, in Pas Revoir, L’idée bleue, 1999.

 

 

 

Villanelle d'un vieux papa
  Valérie Rouzeau

 

J’avais fini mes haricots
  L’écuelle sous l’ampoule grillée
  J’attendais de vivre bientôt

 

Mes ancêtres dans leurs sabots
  Trépignaient depuis le passé
  J’avais fini mes haricots

 

Et je buvais un noir pinot
  A leur mémoire à ma santé
  Espérant de vivre bientôt

 

J’étais le dernier des idiots
  Ou le premier si vous voulez
  J’avais fini mes haricots

 

Le front collé sur le carreau
  Enfin de ma nuit relevé
  J’attendais de vivre bientôt

 

Ici s’arrête ce lamento
  Ou mes enfants vont me siffler
  J’avais fini mes haricots
  J’attendais de vivre bientôt
       

 

            
            Si J'avais les jours à compter je marquerais soir après
            soir mes petites croix de récompense
            Je tiendrais des mois des saisons mon calendrier de
            forçat mon agenda de pénélope
            Ca me ferait ni chaud ni froid juillet janvier en
            solitaire je traverserais les années
            Si grand d'amour était en vue ou à revenir quel beau jour
            je l'appellerais mon cher Ulysse et puis je choisirais
            la danse plutôt que la tapisserie
            Je bouserais les mauvais génies en faisant jazzer mon
            seul coeur
            Je mettrais le chagrin en boîte avec un jeu de mots facile
            Je trangerais l'éternité pour en découdre avec les nuits
            tchatchatchatcherais jusqu'au matin dans une autre
            histoire aussi vrai si j'avais de quoi de l'espoir

 

Va où, Le Temps qu’il fait, 2002 (extrait)

Valérie Rouzeau, liens : http://www.artpointfrance.org/Diffusion/rouzeau.htm

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