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9 juillet 2010

Nea, Fabesko, l'homme qui effeuille la lumière et Monsieur Poisson ...

ça se passe au 59 rue de Rivoli.

Tu ne peux pas passer devant sans le voir. Il y a des couleurs aux fenêtres et un vent de pourquoi pas. ça sonne bizarrement dans l'agitation du beau monde ou de la cloche qui campe à Châtelet ...

Ici, la plupart du temps, tu peux entrer.

C'est un squart. Squatt d'artistes.

30 ateliers et leurs artistes qui vivent leur vie à portes ouvertes. Et là, tu rentres et tu habites un petit quart d'heure. Tu peux imaginer que le décor a été créé pour toi et que tu t'invites sur la scène d'un théâtre. Mais non. C'est juste la vraie vie, dans une caverne d'Ali Baba où le temps et l'espace se suspendent à leurs pinceaux, leurs couteaux, leurs oligoéléments.
Les portes ont été ouvertes jusqu'à ce qu'on les oublie. Ensuite elles se sont effacées. Avec leur dignité de portes.
Les marches sont peinturées.
Au-dessus de certaines œuvres tu pourras lire "on a le droit de toucher". ça change.

Il y a Monsieur Poisson qui a planté un couteau dans le crâne d'un lion. Pour de faux. Et le lion te regarde avec un air de tendresse derrière ses lunettes de soleil. Avec Monsieur Poisson, je plaisante un peu à propos du lion qui est peut-être un peu lui, et pourtant, il s'aime bien, Monsieur Poisson. On parle de bocal, mais il dit qu'il préfère, naturellement, l'océan.
Monsieur Poisson m'offre un verre de bière que je refuse. (je n'aime pas la bière)
Monsieur Poisson me regarde regarder ses dessins. Je parle de mes préférés. Il y a de la craie et de l'aquarelle, rien de nouveau sous les pinceaux, n'était cette tendresse cynique au bord de l'âge, au bord de l'aliénation, au bord de la femme. Une tendresse vraie qui se mesure en couteaux dans le dos, légers comme des oiseaux. Sur la petite feuille où je peux laisser mon contact, il est écrit : nom, téléphone, e-mail ou poème ... Alors, bien sûr, j'écris un poème. J'écris "Rectangle". Une jeune artiste veut le lire à voix haute pour Monsieur Poisson. Elle lit, elle trébuche - j'ai écrit comme un cochon - "ça prend le ciel comme une voiture ? - non, toiture." "Y'a plus qu'à hisser la voiture ? - non, voilure." Elle relit. C'est très joli ce petit poème qui surfe sur la voix de cette fille qui fait de l'or avec les pinceaux mais qui n'est pas à l'aise avec la lecture. C'est un peu comme si dans cet atelier d'artiste, soudain je disais "prête moi un crayon et donne-moi une feuille". Elle était dans sa maison à elle, bien tranquille, et soudain, elle accepte de venir dans la mienne pour boire un verre, parce que je l'y ai invitée, discrètement, dans une langue secrète. C'est une chose qui me rappelle l'humilité, et je ne sais pas pourquoi, car ce n'est pas expliqué dans les livres. Mais j'aime bien.

Il y a Fabesko qui fait parler les poupées et leurs coutures. A Fabesko, je ne dis presque rien. Je mange ses tableaux et ses objets en pensant à Habibata, ma petite princesse malienne qui ne savait pas lire mais que j'ai suivie dans ses poupées et ses envies de dire. Ses poupées en papier, en chiffon, en carton, en trois fois rien. Ses poupées. De petite fille et de presque adulte qui regarde le monde avec ses mains et se fabrique un pti machin anthropomorphe à raconter des histoires. Et j'ai suivi Habibata. Alors Habibata a fait comme la jeune artiste de plus haut. Elle a accepté de venir dans ma maison : elle a appris à lire. Il fallait juste que je sache les poupées et que les poupées m'apprivoisent. Si tu veux donner, sache d'abord recevoir. Question de dignité.

fabesko_et_ciou

Fabesko

Il y a Nea qui fait des rouages du temps des choses à peinturer, et de la lune, un truc rond qui rentre dans un carré. Comme celui de Sania, qui a mal tourné.
Nea a prévu des photos de ses œuvres. Si tu aimes, tu prends. Tu donnes les sous que tu veux, t'es même pas obligé. C'est pour si jamais tu aimes et que tu n'as pas de quoi te payer le tableau. Dans ce cas là, tu prends sa photo. Et tu mets la photo du tableau chez toi. si tu veux. C'est une petite photo, en qualité photo.

Il y a l'homme qui fait des tableaux avec la lumière. Et des mobiles avec des ampoules aux papillons.

Cet homme là, il te donne ce que tu veux acheter. T'as pas d'argent, ben c'est pas grave. Tu reviendras plus tard. Prends ton papillon quand même. Reviens demain, pour payer, d'accord ? Reviens avec Roxanne, si tu veux.

Et ici, soudain, tu comprends que c'est possible, autrement.

Tu comprends aussi tout ce qu'il en coûte. De lutte, de structure, de refus des compromis. Tu comprends qu'être artiste, et ben ça s'improvise pas dans un violon, fût-il d'Ingres. Etre artiste, ça s'architecture, ça se milite, ça ne se vend pas, et pourtant si, ça se vend. Mais à condition de rester debout, avec tes pinceaux à la main. Et puis tes portes ouvertes.

Je repense à la Fonderie, à Bagnolet. C'est dommage que ce soit fini.

Quelques liens :

59 rue de Rivoli : http://www.59rivoli.org/

Fabesko : http://www.fabesko.com/

Nea : http://bynea.com/default.aspx

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Nea



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