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28 août 2010

Racines, quand tu me tenez ...

"Entre huit cents et mille sept cents mètres vivent les peuplades Moys, dont les minuscules villages de paille et de bois font, vus d'avion, l'effet de taches lépreuses sur un manteau de verdure ; un manteau sur lequel s'inscrit le scintillement argentin discontinu des cours d'eau qui percent leur voie en serpentant à travers les roches dénudées, inviolées, toujours semblables à elles-mêmes, encore telles qu'elles apparurent en surface à l'issue des dernières grandes convulsions géologiques.

Là, les Moys s'identifient à l'ensemble et donnent le témoignage d'une humanité encore vagissante.
A ces hommes de la préhistoire, nos contemporains, je dois les plus belles heures de mon existence vagabonde ; avec "Done de Mang-Lum", j'ai vécu il y a cinq mille ans ; nous avons, tous deux, chassé le sanglier à coups de lance et quand je mourais de soif en forêt, il a taillé des roseaux que je foulais inconscient pour me faire boire l'eau que contenaient leurs entre-noeuds.
"Done" connaissait deux moyens pour nous procurer du feu : soit en frappant un silex, soit en frottant une plaque de bambou avec une liane sèche de rotin et quand, aux hasards de nos courses, la nuit nous surprenait en forêt, nous dormions à tour de rôle sur le sol à la lumière rougeoyante d'un feu de bois mort.
Au début, il me croyait parent de quelque divinité et j'ai du le dissuader de prier et de sacrifier à l'oiseau qui nous survolait, sans pouvoir lui faire comprendre qu'il s'agissait d'un avion, d'une machine volante, que des hommes comme nous avaient construit et pilotaient.
Il m'a suivi dans la plaine ; je lui ai fait découvrir l'automobile et les allumettes chimiques et il s'est saoulé d'eau de mer quand il s'est aperçu qu'elle était salée.
Mais nous étions devenus deux frères inséparables, cependant, il m'a fallu partir. Treize ans après, ayant appris que j'étais revenu, Done s'est mis en route avec sa femme et ses deux petits ; ils ont marché cinq jours à travers la montagne, puis je les ai accueillis à Kontum ; il semblait que nous ne nous fussions jamais quittés.

Je doute que les Pamplemousse" et autres "Spoutnik" soient plus utiles à l'humanité que le sens primitif d'une fraternité puisée aux sources de la vie, au contact de la terre et des hommes ingénus, pareils à ceux que j'ai découverts au pied du Ngoc Eang.
Et je n'irai pas chasser dans la lune."

Louis Condominas

"La chasse et autres essais"
présentation de Georges Condominas
L'Harmattan 1988.

M_kong_p_p__Louis

Toile de Louis Condominas.

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Commentaires
A
Ptite miss pour ton assiduité et tes encouragements de tous les jours ... bisous !
S
Que c'est beau par ici on a vraiment envie de rester près de vous pour longtemps . Bisous à vous deux
A
La route est belle. On t'embrasse. je, il.
T
Je m'apprête à prendre la route... et je lis ceci... Merci...
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