Je slame
Parce que les secrets au ventre des cartables
parce que les oreilles comme un champ de bataille
parce que la bouche pleine de propos quotidiens
et parce qu'un poème, ça peut sortir de rien
Je slame.
Parce que dérisoires les auréoles d'humeur
qui passent à la machine des silences butés
et que la bouche a faim de n'être plus que mots
parce que la solitude, ça se troque au bistrot
Parce que les mots s'envolent et qu'ils semblant de rien
et même si pour la gloire on reviendra demain
et parce qu'anonyme et puis plus rien à perdre
et que seulement princesse de l'instant que je laisse
Parce que mes mystères comme des traînées de poudre
parce que vos moissons et votre grain à moudre
et parce qu'elles ont poussé à l'engrais du silence
sur des égos jachère drapés d'indifférence
Parce que les mots d'amour et de rage, quelquefois
et que voix dans la foule la mienne tient debout
cramponnée à vos verbes aux modesties variables
parce qu'un regard qui brille ça vaut toutes mes larmes
Parce que le monde est sourd à nos cris et nos peurs
et puis tous les proverbes et la mythologie
parce que réinventer l'espoir au bord du doute
parce que l'amitié et l'amour en déroute
Et parce qu'en pluie de sens les nôtres réveillés
notre nom est personne sans quête d'identité
et parce qu'indulgente aux rêves de clinquants
aux fidèles reflets des entractes cyniques
la mort en hypothèque divertissement tragique
mais ma tendresse encore au bord du précipice
Parce que les amis, les âmes son, les âmes sœur
et même sans cédille et même sans pudeur
et parce qu'indifférente à la course aux lumières
c'est ma parole d'ombre qui sourd à mes paupières
Parce que ça leur fait peur qu'on ne demande rien
parce que devenus hommes aux portes de l'humain
parce que les secrets au ventre des cartables
et les doigts dans le nez et les coudes sur la table
Et parce qu'oser ses mots, c'est grandir, de plein gré
et ancrer ses racines au cœur de la cité
parce que les conséquences de la parole donnée
et que "scripta manent" dispense pas de voler
Et parce qu'on vole loin quand on vole tout bas
et parce qu'on vole haut quand on ne se soumet pas pas
Je slame
parce que les secrets au ventre des cartables
parce que les oreilles comme un champ de bataille
parce que la bouche pleine de propos quotidiens
et parce qu'un poème
ça peut sortir de rien.
Angélique
Slam entre les mots - Stéphane Martinez - anthologie
La petite vermillon - la table ronde
automne 2007.